Introduction
Partie I
Partie II
Partie III
Partie IV
Conclusion
Synthèses
Mots-clés
Bibliographie

Partie III: Niveau organique et moléculaire

1. Une première approche

Chez l’homme, le principal "acteur" de l’horloge biologique est le noyau suprachiasmatique (NSC): c’est un ensemble de milliers de neurones situé à la base du cerveau à l’intérieur d’un des grands régulateurs du sommeil, l’hypothalamus.

Chez les oiseaux les reptiles et les poissons, l’horloge biologique est constituée par l’épiphyse (ou glande pinéale), une petite glande située au sommet du cerveau.

Chez ces animaux, elle joue un rôle de capteur de lumière.

Pourquoi dormons-nous la nuit?

L’horloge biologique est complexe. La lumière provoque une excitation de la rétine de l’oeil ; le noyau suprachiasmatique est alors stimulé par des nerfs, des substances biologiques (neuropeptides) sont produites de manière circadienne et le NSC envoie des signaux oscillants à l’épiphyse ou glande pinéale, une zone cérébrale voisine, qui va synthétiser de la mélatonine dont le rôle exact reste encore à définir. Plus la journée avance, plus l’épiphyse fabrique de la mélatonine; la température baisse progressivement: l’organisme réclame le sommeil.

Peut-on modifier ce rythme jour/nuit?

Suite à des expériences sur des hamsters, on a appris que le rythme jour/nuit, en d’autres termes rythme circadien, ne varie pas chez des individus privés de lumière (neurone isolé) bien que l’horloge biologique soit légèrement modifiée chaque jour par la lumière : l’activité du noyau suprachiasmatique est donc innée. Par conséquent l’horloge biologique ne vieillit pas: les rythmes restent réguliers toute une vie.

Expériences

  • 1960. Jürgen Aschoff et ses collègues à l’Institut Max Planck en Allemagne testent des individus privés de repères temporels : ils conservent un cycle veille/sommeil de 25 heures.
  • Plus récemment, Charles Czeisler, Richard Kronauer, et leurs assistants à l’Université Haward ont affirmé que notre cycle était de 24 heures et 18 minutes. Ils ont étudié le comportement d’hommes et de femmes pendant 3 semaines dans un environnement sans repère de temps sauf un cycle lumière/pénombre et un signal indiquant l’heure du coucher. Grâce aux mesures de température et de concentrations sanguines en mélatonine et en cortisol (hormone du stress dont la synthèse diminue le soir), ils ont observé que les individus continuaient à vivre selon leur propre horloge circadienne interne malgré la prolongation anormale de la durée diurne.

Encore beaucoup de questions...

On sait que la lésion du noyau suprachiasmatique entraîne la disparition de certains rythmes biologiques mais on pense également qu’un facteur, encore inconnu, transporté dans le sang assure cette dépendance. D’après Manuel Field (Univerté de Cambridge), le mécanisme de régulation de l’horloge biologique de la drosophile serait différent de celui des mammifères. La mélatonine, synthétisée uniquement la nuit, et que l’on a longtemps considérée comme l’hormone du sommeil, serait pour certains neurobiologistes un signal d’information sur le moment du jour ou de la nuit. Pourtant beaucoup de souris n’ont pas de mélatonine et suivent néanmoins des rythmes jour/nuit.

2. Approche plus complète

Un certain nombre d'horloges biologiques sont aujourd'hui identifiées et reconnues, en particulier les noyaux suprachiasmatiques (NSC) dont la fonction de garde temps pour plusieurs rythme circadiens fut mis en évidence en 1972. Par définition une horloge biologique doit pouvoir :
- osciller pendant une période de 24h sans recevoir d'information temporelle ou de signal
- conserver cette périodicité ( être indépendant de la température )
- pouvoir être remise à l'heure et ajustée.
Une horloge biologique doit bien évidemment recevoir de l'énergie.

Le NSC est-il une horloge biologique ?

Le NSC est constitué de deux ensembles symétriques de neurones localisés à la base du 3ème ventricule au dessus du chiasma optique. L’aspect de ces noyaux diffère beaucoup d'une espèce à l'autre. Le NSC est une formation très petite de l'ordre de 0,2 mm3 chez le rat. Il ne comporte que 10 000 neurones, de taille extrêmement réduite avec des axones courts.

En résumé :
- Le NSC fonctionne comme un oscillateur circadien. Par des électrodes implantées, on a constaté que l'activité électrique du NSC a un périodicité de 24h même lorsque cette formation est isolée du cerveau.
- Le NSC impose sa rythmicité à d'autres fonctions biologiques et physiologiques. La destruction totale du NSC entraîne la disparition de certains rythmes circadiens. Ainsi chez le rat disparaissent, par exemple après une inactivation du NSC, le cycle de la température et le cycle des sécrétions de mélatonine. Cependant le rythme circadien de la sécrétion de corticostérone est maintenu. Il existe toutefois des différences importantes, d'une espèce à l' autre chez les mammifères et les oiseaux quant à la nature et au nombre des rythmes circadiens qui sont atténués ou abolis par des destructions du NSC.
- Le NSC répond au signaux des synchroniseur. L'enregistrement électrique des activités du NSC montre qu'il répond à l'illumination de la rétine et à la stimulation du nerf optique. En effet au départ de la rétine deux voies nerveuses atteignent le noyau suprachiasmatique.

Une ou plusieurs horloges ?

Le NSC fonctionne donc comme une horloge biologique. C'est d'ailleurs à ce jour, la seule formation bien individualisée et digne de ce nom. Mais considérer qu'il s'agit d'une horloge centrale gouvernant tous les rythmes circadiens et loin de correspondre à la complexité observée pour certaines espèces.

Il est théoriquement possible à une maître horloge (master clock) de contrôler tous les oscillateurs circadiens. Toutefois, les faits expérimentaux laissent croire que le NSC est une des horloges centrales, mais ni la seule ni même la principale. Nous avons vu précédemment que la destruction du noyau suprachiasmatique, n'entraînait pas la suppression de tous les rythmes circadiens.

Les horloges biologiques et l’Homme

Anatomiquement notre espèce est dotée d'un NSC comme les autres mammifères, d'une glande pinéale qui sécrète la mélatonine etc. Les expériences de Aschoff de Wever et de Weitzman ont montré qu'un sujet en isolement temporel maintient une rythmicité circadienne en libre cours avec une période de 25h, pendant une quinzaine de jours, après lesquelles le rythme circadien de la température corporelle (Période=25h) se désynchronise avec le rythme veille-sommeille. Tout se passe comme si le rythme veille-sommeil et le rythme thermique dépendaient de deux oscillateurs différents. Dans cette perspective le rythme veille-sommeil dépend d'un oscillateur faible et le rythme thermique d'un oscillateur fort. En effet la vitesse de désynchronisation ou de re-synchronisation ( et donc la durée des phénomènes transitoires) est plus courte pour le rythme veille-sommeil que pour le rythme thermique (elles-mêmes plus courtes que celle du rythme de l'activité corticosurrénalienne). Cependant ces oscillateurs sont couplés. Ainsi l'homme adulte s'endort plus facilement lorsque sa température croît que lorsqu'elle décroît.

Des expériences permettent de dire que :
- L 'homme possèderait plusieurs oscillateurs circadiens
- Ils ne seraient pas situés seulement dans le cerveau archaïque (glande pinéale, NSC) mais pourraient être présents dans le néocortex.
- Ils pourraient différer d'un hémisphère à l’autre.

Synchronisation des horloges biologiques

L'existence d'oscillateurs en partie contrôlés par le néocortex pourrait expliquer les caractères particuliers de la synchronisation des rythmes circadiens de notre espèce.

Chez les mammifères, l'information des conditions d'éclairement de l'environnement est reçue par la rétine, traité par le NSC et transmise à la pinéale pour aboutir au rythme circadien de la sécrétion de la mélatonine. Une sécrétion intense de cette hormone (et d'une de ses enzymes de synthèse, la NAT) commence avec la nuit et finit avec elle. Le rythme circadien de la sécrétion de la mélatonine et son couplage avec le NSC est sans doute un des moyens par lequel les différents systèmes de la plupart des mammifères sont informés de l'alternance jour-nuit qui est le synchroniseur prépondérant.

Dans le cas de l'Homme qui est relativement peu sensible à l'alternance jour-nuit, il est concevable que l'information apportée par des facteurs socio-écologiques soit traités par le néocortex. On pourrait donc se servir de plusieurs synchroniseurs, s'adressant à plusieurs oscillateurs. Certains facteurs de l'environnement sont capables, chez tous les êtres vivants, de modifier l’allure des rythmes circadiens. Ces changements sont désignés sous le terme d ' effet de masque (masking effect). Par exemple le fait de dormir modifie l'allure du rythme circadien thermique de l'Homme. Chez le sujet qui se prive volontairement de sommeil, le rythme de la température est très proche d'une fonction sinusoïdale. Le sommeil a donc effet de masque sur ce rythme circadien. Chez l’Homme, les effets de masque comme ceux des synchroniseurs, peuvent intéresser le néocortex et pas seulement le cerveau archaïque.